Infos de Cassu
 
INFOS SUR CASSUEJOULS
 
 
La légende de Cassuéjouls

Au soir du sixième jour, quand il eût terminé la Création, le Père Eternel se trouva bien fatigué. Il dit à son confident habituel l’Archange Gabriel : " Je crois que nous avons bien mérité un peu de repos ! J’ai envie de me réserver sur la Terre, pour mon usage personnel, un joli petit coin que j’arrangerai à mon goût et où nous viendrons, de temps en temps, passer quelques jours de vacances avec nos meilleurs amis ".

De ses yeux qui voient tout, il parcourut en un instant notre planète encore toute neuve: les mers, les montagnes, les plaines. Tout à coup, son regard s’immobilisa et il eut, dans sa barbe blanche, un sourire de satisfaction.

" J’ai trouvé ce qu’il nous faut " dit-il, et du doigt, il montra à l’Archange Gabriel un point de la terre où les monts d’Aubrac finissent pour faire place au plateau de la Viadène : il y avait là une vallée délicieuse où brillait un clair ruisseau et qu’entouraient de superbes collines. Cela s’appelait Cassuéjouls.

" Qu’en dis-tu Gabriel ? Je n’aurais jamais rêvé mieux. Bon air, bonne altitude (900 à 1000 mètres), bon terrain. C’est là que je veux m’installer. Donne vite des ordres à nos ouvriers pour les derniers embellissements. Que tout soit prêt pour dimanche. "

L’Archange Gabriel frappa dans ses mains et un bataillon d’ouvriers célestes, choisis parmi les plus habiles, se mit aussitôt au travail.

Ils commencèrent par la vallée. Avec de grandes lattes ils frappèrent le sol afin qu’il fut bien plat et tout entier exposé au soleil. L’Archange Gabriel les excitait au travail. " Cogne ! Cogne ! " disait-il à chacun. (Delà vient le nom que porte encore le communal. Ce nom n’a donc aucun rapport, comme l’ont prétendu certains esprits mal informés, avec celui que l’on donne parfois vulgairement aux représentants de l’ordre.

Puis de chaque côté du ruisseau, entre les haies de noisetiers, ils étalèrent de magnifiques prairies bien vertes, bien grasses, à l’herbe épaisse et sentant bon. Le Père Eternel se frottait les mains en faisant le tour du propriétaire. Et il attribuait à chaque prairie des noms qui lui donnaient chaud au cœur : " Lo Poro " ; " Los Poronettos ", " Fount Couostos. "

Le ruisseau que l’on baptisa " Selvet " fut particulièrement soigné. A la descente des montagnes, on lui fit une pente rapide avec un lit semé de cailloux moussus, autour desquels l’eau froide bondissait, écumait, creusait de clairs bassins où l’on voyait filer les truites. Puis, dans la plaine, il se déroulait en méandres paresseux à l’ombre des vergnes. On y creusa même une piscine dont on voit encore les vestiges au lieu dit " Lo gourgo de Roostons ". On jeta deux ponts de pierre qui ont défié les siècles : l’un avec ses grandes dalles de granit un peu glissantes et disloquées aujourd’hui, l’autre avec ses colonnes de basalte.

Sur les flancs des collines surgirent des bois de hêtres dénommés " Recoules ", " Les Barthes ", " Fanguinouzes " et si beaux qu’on les eût pris pour la demeure des fées.

Le Père Eternel s’occupa lui-même des collines, appelées " puechs ".

Il fit raboter le dessus du puech de Guiral pour que ses plus vieux compagnons pussent y faire leur sieste l’après-midi ? Le puech de Soulages eût un dôme majestueux et on arrondit avec soin le puech d’Ambourniés pour en faire un belvédère d’où les invités, par les clairs matins d’été, pourraient admirer 60 lieues d’un paysage unique au monde, s’étendant du Cantal à l’Aubrac.

Le Père Eternel voulut aussi que ses meilleurs amis eussent leur maison particulière tout autour de Cassuéjouls. C’est ainsi qu’il fit de Soulages pour ceux qui apprécient les grands horizons, la Bancalerie pour ceux qui n’aiment par avoir de voisins devant leurs fenêtres, Anterrieux pour les amateurs de grand air, de neige et de petit lait. Le Cayla fut doté d’un observatoire fait avec un vieux rocher et Anglarès fut destiné à ceux qu’attire l’odeur des pins et du sable. Du flanc de la côte, il fit jaillir une source d’eau minérale peu commune, guérissant l’anémie et bien d’autres maux.

Tout allait être terminé. Il ne restait plus qu’à construire l’Etablissement Thermal et le grand Hôtel de Cassuéjouls, lorsqu’arriva la terrible nouvelle : là-bas, très loin dans un endroit appelé le Paradis Terrestre, le premier homme et la première femme venaient de commettre le premier péché.

L’Eternel eut une colère terrible et décida d’abandonner la Terre à jamais.

Pourtant, au moment de quitter Cassuéjouls, il poussa un soupir de regret et dit à Gabriel :

" Ce pays, je l’ai fait avec tant d’amour, que je ne puis me résigner à le voir habiter par n’importe qui. C’est pourquoi les hommes qui vivront ici seront des hommes choisis. Il y en aura des grands et des petits, ils porteront la barbe ou la moustache (les plus dignes la porteront à la gauloise) mais tous seront gens d’honneur et forts de corps et d’esprit. Pleins d’ardeur dans leur jeunesse, pleins de sagesse en leurs vieux ans, ils seront en tous temps fiers dompteurs de taureaux, manieurs de faux et de trique à l’occasion. "

" Les femmes y seront jolies et ne vieilliront jamais, avec les ans elles deviendront seulement plus âgées. "

" Et je bénirai leurs troupeaux qui remporteront de nombreux prix aux concours de la race d’Aubrac. "

" C’est chez eux qu’on fera la soupe aux choux la plus savoureuse, les " pastrés " les plus parfumés, las " aligots " les plus onctueux et les plus filants.

" Et je les favoriserai dans leurs jeux, particulièrement dans le jeu des quilles. Leurs champions y gagneront une réputation mondiale. "

" Et ils sauront cultiver la fleur précieuse de l’amitié et du souvenir, surtout lorsqu’ils seront obligés de s ‘expatrier à Paris : leur plus belle réussite dans ce domaine sera l’Amicale de Cassuéjouls. "

Ayant dis ces mots, le Père Eternel, suivi de l’Archange Gabriel, s’en alla par la route de Laguiole. Arrivé au tournant, en haut de la côte, il se retourna, comme nous le faisons tous, pour admirer une dernière fois Cassuéjouls pelotonné dans son creux de montagnes. Puis il disparut dans un rayon de soleil.

Noël Souris

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" A mesure que je vieillis, je trouve que c’est un avantage d’un prix inestimable que d’avoir quelque part un village à soi, un village où l’on a passé son enfance et où l’on n’a jamais cessé de faire tous les ans, quelque séjour ; où la figure de la terre vous est connue dans ses moindres détails vous est familière et amie, car dans ces conditions la campagne est vraiment le refuge et l’asile. A peine suis-je dans ce petit coin ombreux que je me sens enveloppé d’une profonde paix. "

Cet extrait d’une belle œuvre de Jules Lemaître traduit bien exactement notre état d’esprit, mais il n’explique pas l’exceptionnelle passion des " Cossuéjus " pour leur terre natale. Le récit de notre excellent ami Noël Souris révèle enfin la raison de l’attachement aussi solide à la petite patrie.

Merci au Père Eternel, de nous avoir fait naître dans ce petit paradis créé tout d’abord pour son divin séjour.

Bibo Cossuéjus